Une théorie de la mémoire

L’hypothèse de la causalité formative, formulée par le biologiste anglais Rupert Sheldrake et dont Arthur Koestler déclarait qu’elle provoquait « un défi et une stimulation énorme » a été posée en 1982. Le groupe Tarrytown de New-York et le magazine britanique New Scientist financèrent sa mise à l’épreuve empirique. Dans son livre, La mémoire de l’univers, le biologiste expose les expériences qui ont été faites et montre que plusieurs d’entre elles confortent cette théorie.

Le nouveau paradigme en science.

Sortir du modèle mécaniste et essayer de deviner quel sera le nouveau paradigme en science…

Depuis la Renaissance, une vision mécaniste du monde a progressivement conquis tous les domaines de la science jusqu’à s’établir dans le sens commun. Même s’il existe maintenant une nouvelle physique, nous sommes encore très conditionnés par cette représentation mécaniste du monde. Or l’étude de l’histoire des sciences, l’épistémologie, montre que notre vision du monde se modifie au fur et à mesure des découvertes scientifiques.

Le développement progressif et cumulatif de la connaissance scientifique est un mythe.

Impossible de passer de la vision du monde d’une terre plate à celle d’une terre ronde par un progrès graduel. Il y a une rupture, un retournement du regard, une transformation subite de la représentation du monde.

Notre représentation du monde changera inéluctablement dans le futur. Ce sera une rupture épistémologique et l’émergence d’un nouveau paradigme, d’une nouvelle vision de la réalité insoupçonnée et donc déstabilisante. À l’intérieur de cette nouvelle représentation du monde, la théorie de Sheldrake sera peut-être une brique ou une clef de compréhension intéressante.

La théorie des champs mémoriels

Peut-on envisager la mémoire non pas comme un stokage chimico-électrique du cerveau, mais comme un champ mémoriel ?

Sheldrake explique que la tentative d’expliquer le phénomène de la vie uniquement par la physique et la chimie est vouée à l’échec. La biologie moléculaire ne suffit pas à expliquer le développement évolutif des organismes. Dans ce domaine, la théorie néodarwinienne déploie une pensée mécaniste qui voudrait que l’évolution soit le fruit du hasard et de la nécessité. Est-ce dire que rien n’explique l’organisation de la matière dans des formes de plus en plus complexes ?

La thèse de Sheldrake est la suivante : bien qu’il existe des champs d’énergie dans l’univers, nous ne pouvons expliquer ce dernier simplement en terme d’énergie ; un pouvoir formateur y existe, sous forme de champs non physiques, non énergétiques, que Sheldrake  appelle des « causes formatrices » ou des « champs morphogénétiques », signifiant « qui produit des formes ». Le mot champ évoque le champ de gravitation ou le champ magnétique.

Déjà Aristote affirmait que l’univers n’est pas seulement constitué de matière, mais aussi de formes. Dans sa vision du monde, la matière représente le potentiel d’exister. Elle est, en quelque sorte, indéterminée. Mais cette matière est organisée par la forme qui lui donne une existence propre.

Sheldrake développe plutôt la notion de résonance morphique. Cela signifie que chaque être vivant et chaque entité inerte se développe sous une forme particulière, celle d’un cristal, d’un organe, d’une plante ou d’un animal parce qu’ils se trouvent à l’intérieur d’un champ morphogénétique précis, qui leur donne cette structure. Cette forme est en harmonie, en résonance avec celles de tous les autres organismes semblables.

L’analogie de la radio

Pour illustrer la différence entre la conception mécaniste et sa propre position, Sheldrake utilise l’analogie de la radio. En effet, une radio est un système mécaniste qui doit, pour fonctionner, être en bon état de marche. Cependant lorsque la radio est bien réglée, elle permet de capter des évènements qui se déroulent à l’extérieur.

Pourtant, si par exemple on faisait fonctionner une radio devant les membres d’une tribu primitive, peut-être croiraient-ils que les voix qu’il entendent proviennent de l’intérieur même de la radio. Ils seraient même en mesure de le prouver, puisque si le mécanisme de la radio est cassée, les voix se taisent. Si on répare le mécanisme, les voix réapparaissent. Par conséquent, il leur serait facile de conclure que les voix peuvent être expliquées par le mécanisme. Ainsi selon le modèle mécaniste, lors d’une défaillance du cerveau, l’esprit cesse de fonctionner. Pour Sheldrake les signaux sont plutôt captés par le cerveau.

Nous sommes avant tout des mémoires

Nous avons notre manière particulière de recevoir, à travers notre forme physique, une partie du substrat psychique collectif. La part de ce que nous en retenons personnellement, c’est notre mémoire.

Il suffit d’un pas de plus pour imaginer que cette mémoire, ce champ mémoriel immatériel qui interpénètre notre présence physique, puisse s’en détacher et voyager, de manière tout aussi  immatérielle, vers un autre corps, une autre forme en résonance avec elle et qui puisse l’accueillir.